Démarche en entreprise

Sélectionner et outiller la ressource enseignante

La francisation est une discipline en soi. En principe, les ressources enseignantes de francisation doivent idéalement détenir un baccalauréat en didactique du français langue seconde. Cependant, d’autres profils peuvent être considérés pour faire ce travail : des personnes détenant une formation en didactique du français, en linguistique, en études littéraires, ou prouvant une très bonne connaissance de la langue française. Si la ressource détient un diplôme en didactique de l’anglais langue seconde, elle sera très bien outillée du point de vue des grands concepts, mais il faudra, lors de l’embauche s’assurer de sa maîtrise de la langue française.

Le fait de connaître plusieurs langues peut également être un atout, non pas pour la traduction systématique des termes français, mais pour comprendre et mieux corriger les erreurs des apprenant.es. Humainement, il est important que la ressource soit ouverte d’esprit, curieuse des autres cultures, polyvalente et créative.

Demandes générales au niveau de l’enseignement

En didactique de langue seconde, il y a de grands principes à respecter :

  • il faut parler fort et bien articuler tous les sons de la langue québécoise: la ressource est la modélisatrice, il faut que les sons produits soient clairs. Pour se faire, il convient de diminuer le débit de parole et ouvrir la bouche pour que les apprenant.es voient la production physique des sons.
  • Il faut éviter les mots inutiles ou les figures de style entravant la compréhension du message : il faut énoncer une idée à la fois et en vérifiant la compréhension rapidement, quitte à reformuler. Ce qu’il faut surtout éviter, c’est de prononcer des phrases seulement pour des raisons de style, contrairement au domaine de la littérature, discipline dans laquelle le travail de la forme est encouragé, étudié et valorisé.
  • Il faut inscrire les notions grammaticales dans un contexte de communication et non pas dans un contexte de perfectionnement de la langue, c’est-à-dire qu’il est nécessaire de rattacher les apprentissages à une situation concrète.
  • Il faut viser l’efficacité plutôt que l’exhaustivité. Si on enseigne les différentes manières d’utiliser le mot « tout », il faut choisir les occurrences les plus fréquentes et favoriser les techniques mnémoniques plutôt que de présenter l’ensemble des règles. Par exemple, le nom « un tout »/ « des touts » n’est pas nécessairement utile à connaître dès la première leçon sur le sujet. Il faut s’assurer que les expressions usuelles (« tous les jours », « toutes les nuits », « tout le temps », « pas du tout », « tout est à faire », etc.) soient connues avant d’aborder les emplois plus littéraires du terme, si nécessaire.

L’enseignement aux adultes existe également certaines adaptations :

  • Les travailleurs et travailleuses sont souvent surchargés de travail et doivent constamment observer des progrès pour maintenir leur motivation d’aller au cours.
  • Les travailleurs et travailleuses doivent pouvoir réinvestir leur nouveau savoir dès la sortie du cours.
  • Il est important de terminer les cours sur une note positive afin que le souvenir du cours le soit également, dans le but d’éviter les problème d’absentéisme.

Pour en savoir plus :

Les caractéristiques de l’adulte en formation

L’apprenant adulte possède un bagage  L’apprenant adulte est capable
  • valeurs, de convictions, croyances
  • expériences de vie (positives/négatives)
  • connaissances, compétences, habiletés
  • réalisations personnelles, professionnelles
  • d’initiative, d’autonomie, de jugement
  • de prendre des décisions personnelle et professionnelle.
Motivation et sentiment de compétence de l’apprenant adulte

L’apprenant adulte peut manifester de la résistance face au retour aux études même s’il choisit de s’inscrire à une formation répondant à ses choix ou à ses besoins. Un parcours scolaire antérieur difficile ou teinté de mauvaises expériences peut lui faire anticiper les situations suivantes et influencer ses capacités à apprendre :

  • Peur de l’échec, d’avoir « l’air fou », de ne pas être à la hauteur
  • Peur du changement (valeurs, croyances, convictions)
  • Faible estime de lui-même
  • N’a pas de temps à perdre

Comment apprend l’adulte?

L’apprenant adulte poursuit des objectifs immédiats et cherche des solutions rapides et concrètes pour résoudre ses problèmes. Il veut développer des connaissances qui lui seront utiles et qui sont étroitement liées avec ses responsabilités et ses activités, personnelles ou professionnelles.

Il juge et évalue sa formation en fonction de ce qu’elle lui apporte dans l’immédiat ou à court terme. Certaines recherches démontrent que les conditions qui favorisent les apprentissages de l’apprenant adulte sont étroitement liées aux indicateurs d’une bonne gestion de classe. 

Le tableau ci-dessous trace un parallèle entre les conditions qui favorisent les apprentissages chez l’adulte et ses attentes auprès de l’enseignant (e) en lien avec certains indicateurs d’une bonne gestion de classe.

L’adulte apprend mieux lorsque… Indicateurs d’une bonne gestion de classe
L’enseignant…
  • l’apprentissage lui procure du plaisir
  • témoigne avec passion  et plaisir dans son enseignement
  • partage ses expériences professionnelles
  • il comprend et accepte les objectifs de la formation
  • communique clairement ses attentes, les règles à respecter
  • gère bien les conflits, dans le respect
  • utilise l’humour pour détendre l’atmosphère
  • les apprentissages tiennent compte de ses expériences antérieures
  • fait appel aux expériences, aux émotions et aux sentiments des élèves
  • croit en leur potentiel, encourage, motive
  • s’intéresse à l’élève en dehors des classes
  • il est intégré à un groupe dans un climat de participation, d’ouverture et de confiance et sans se sentir jugé
  • valorise leur participation
  • ouverture d’esprit
  • compétence (sentiment de sécurité dans son enseignement)
  • il est actif et impliqué dans une situation d’apprentissage
  • il met en pratique rapidement ce qui lui est enseigné
  • intervient à la fois sur les contenus et sur les façons d’apprendre
  • capable de transiger au besoin (souplesse, indulgence)
  • planifie des activités variées et significatives
  • les activités respectent son rythme
  • le matériel didactique utilisé lui est familier
  • il reçoit de la rétroaction (du groupe, de l’enseignant)
  • capacité de s’adapter aux circonstances
  • rétroagit positivement

Recours à une autre langue commune à la ressource et aux participants

En socio-linguistique, deux écoles de pensée s’opposent :

  • Celle qui privilégie l’immersion complète dans la langue à maîtriser (ici, le français) ;
  • Celle qui privilégie le recours à une langue commune afin de faciliter les explications métalinguistiques par les apprenant.es.

En réalité, il faut surtout s’adapter à son public cible afin de ne pas les déstabiliser dans un sens ou dans l’autre. Dépendamment des personnes le recours à une langue commune, soit l’anglais, peut aider, voire rassurer, ou confondre, voire entraver l’apprentissage.

L’adaptation au mode d’apprentissage

En fonction de la personnalité et du mode d’apprentissage des participants, en fonction également de la dynamique de groupe, la ressource choisira une approche ludique ou plus intellectuelle de l’enseignement du français.

En effet, certaines personnes détenant une expertise technique et une histoire de vie riche acceptent difficilement leurs limitations dans l’expression dans une langue seconde, ce qui leur semble une régression personnelle et sociale. Ces personnes seront satisfaites par une approche étymologique, voire même historique de la langue et répondront favorablement aux explications plus intellectuelles des règles grammaticales. D’autres apprenant.es, suivant des cours de langue après les heures de travail, voudront au contraire utiliser ce temps pour socialiser avec leurs collègues, et s’amuser tout en intégrant l’information. Avec cette clientèle, il s’agira d’utiliser des mises en situations plus ludiques, tout ayant des objectifs d’apprentissage spécifiques en tête (Bingo des sons, Le Jeu des verbes, l’intégration des jeux de mimes et de dessins, les concours, etc.).

La réalité des classes multi-niveau

En entreprise, il est assez rare que les classes soient homogènes. Les participants d’un même groupe peuvent avoir des niveaux de compétences au des rythmes d’apprentissages différents au départ, leur motivation intrinsèque n’est peut-être pas la même, ou le degré de proximité du français avec la langue maternelle peut également différer.

Cette réalité exige une méthode de gestion de classe bien spécifique à chaque contexte. C’est pourquoi la personne ressource doit faire preuve de flexibilité et de capacité d’adaptation, car chaque groupe en entreprise a ses propres enjeux. Pour répondre aux besoins de l’ensemble du groupe, il est souvent nécessaire de planifier des leçons différenciées selon les niveaux de chacun tout en ayant le souci de la dynamique du groupe.

Exercice de compréhension orale : les participants doivent écouter une capsule vidéo et répondre à des questions
Pour le niveau débutant Pour le niveau intermédiaire

Transcrire le texte de la capsule en enlevant les verbes au présent de sorte que les apprenant.es puissent lire et entendre en même temps tout en étant sollicités du point de vue grammatical.

Préparer un questionnaire à remplir lors de l’écoute avec des questions vrai ou faux, des qui suis-je, des questions à choix multiples ainsi que des questions à réponses courtes.